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UNE CONFÉRENCE DE WILLETTE SUR LA PANTOMIME
Pierrots blancs et Pierrots noirs
Willette, notre délicieux Willette, le maître charmant et profond qui demeure bien, encore qu’il s’en détende, le petit-neveu de Watteau, faisait il y a quelque temps au théâtre des Célestins, à Lyon, une conférence sur Pierrot. Et qui pour rait mieux parler de cet être exquis et lunatique que le peintre de tant de pages et de fresques ou son « blanc frangin », éternelle victime des réalités brutales et toujours épris, malgré tout, de l’idéal le plus fou, sou- rit et pleure tour à cour dans la tristesse le rêve ou l’amour
« Comme le blanc de sa blouse », dit Willette, est la réunion de toutes les couleurs, l’âme de Pierrot est le sanctuaire des sept
Et puis il y a le Pierrot noir, le favori de Willette, le doux Pierrot meurtri et triste, son fils bien aime dont il a lui-même conté le deuil dans l’es lignes brèves et jolies.
PIERROTS NOIRS
Elle cueilli in rose que j’adorais et Elle T’a donnée au pourceau… la méchante femme que j’aimais! Le dernier bouton allait s’ouvrir, mais il a été coupe par l’homme affaire!
Le rosier aurait pu refleurir, mais l’ouvrier inconscient en a écrasé la racine Je pleure mes illusions perdues je porte le deuil de la Rose! Pierrot blanc ou Pierrot noir, nous aimons notre ami Pierrot et ceux qui nous en présentent, ans lumières le la rampe, l’effigie pâlotte et expressive. Dès longtemps le public a fêté Ies mimes, qui sous le masque enfariné, dans la blouse blanche ou habit noir, évoquèrent devant nous la blâme figure du touchant personnage, ses angoisses, ses rêves, ses espoirs qui sont les nôtres, parés d’un peu de poésie. Willette a rappelé dans sa conférence, le succès des Funambules, la gloire de Gaspard et Charles Debureau et de Paul Legrand: plus près le nous, Paul Franck, Thales, Georges Wague furent d’authentiques et délicieux Pierrots.
Mais il en est un dont le nom seul était une prédestination et qui semble avoir mieux que tout autre, en ces dernières années, incarné la frémissante vision de l’Amant de la lune j’ai nommé le Mime Farina.
Celui-là, peut-on dire, fut mime et pierrot de naissance! A quatorze ans il débutait dans ses chansons mimées, au théâtre de la Tour Eiffel! Les chansons mimées ! il a fait sien ce genre original, transformant de courts poèmes en autant de petits drames vivaces et surprenants | Il y en eut de Tiarko Richepin, de Vasseur, de Joseph Leroux, le Perducel. Mais c’est dans la pantomime que Farina triomphe, ut la liste de ses créations c’est l’histoire de la pantomime depuis quinze ans C’est Coeur de Pierrot, de Marius Lambert; Saint-Pierrot, de Fragerolles;
Lulu, de Champsaur et Michel: Pierrot marié, de Georges Boyer et Sudessi ; la Femme du monde, de Jehan Rictus et Esteban-Marti ; Sesostra, de Hirchmann: Spleen, de Bonamy récemment c fut la Lettre, du bon Willette, créée au théâtre des Célestins de Lyon, et demain ce sera le Beethoven, d’Irénée Mauget, pour lequel Farina s’est étudié, par un véritable miracle plastique, à reproduire exactement le masque de génial musicien, comme le prouve l’étonnante photographie de son visage que nous publions ici.
Et ce sera aussi Pierrot Jardinier, également de Willette musique de V. Bunck, avec très probablement, une Pierrette séduisante et inattendue. qui n’est autre qu’Arlette Dorgère.
Pierrots blancs Pierrots noirs, émouvantes créations de notre cher Willette, vous n’avez pas fini de gambader, do souffrir et d’aimer sous nos yeux… le mime Farina et ses frères les Pierrots blêmes, continueront, pour notre plaisir, à mimer sous nos yeux vos détresses, et vos naïves joies, Les éternelles passions des hommes!
José de Bérys.
LE NU A LA SCÈNE
Pardonnez, si je ne ménage
Votre respectabilité,
Monsieur, mais ma sincérité
Excusera mon griffonnage.
On discute au nom de Thémis
Si l’on doit permettre sur scène
La nudité qu’en chaste miss
Vous avez déclaré obscène
La foule n’est pas très encline
A comprendre ces discussions.
Mais mol oi, je suis sage et m’incline
Devant vos dénonciations.
Mais vous osez. témérité! ‘
– Et c’est alors que je renâcle –
Traiter de dégoûtant spectacle
La belle et sainte nudité;
Voilà qui n’est pas d’un brave homme.
Traiter le nu de dégoutant!
Caton même, jadis, à Rome
N’en aurait jamais fuit autant.
Vous voyant rechercher la gloire
Par ces moyens d’homme… rangé,
Plus un poète ne veut croire
Que vous vous nommez Béranger.
Mais j’en dirais trop, je termine,
Nos enfants pourront-ils jamais,
Jugeant la vertu sur la mine
Vous admirer? J’ignore, mais
Si vous qui n’êtes plus des nôtres.
Trouvez le nu sans agrément,
Du moins soyez assez clément
Pour n’en pas dégoûter les autres…
P.B.
Il est colère, mais poltron… alors il est battu!….
Il est luxurieus, mais il est trompé et… encore battu!
Il est orgueilleux, mais il est ignorant et niais !
Il est envieux, mais c’est le diable qu’il envie!
Il est gourmand, mais il est condamné à manger de la vache enragée!
Il est avare, mais est volé!
Il est paresseux et il est voleur !
Cela c’est le Pierrot classique, celui dont le Diable et le gendarme se disputent sans cesse la possession mais il y a un autre Pierrot, plus tendre, plus sentimental, souvent déçu et incompris celui pour lequel Théodore de Banville écrivait :
J’aime ton regard de feu
Ta bravoure et ton coeur mâle,
Bien que tu sembles un peu
Pâle !
Car sous le céleste dais
Tu vas, ben pour toutes choses,
Ayant même pitié des
Roses.
Charmé par le falbala,
Tu t’en vas, l’âme ravie,
Toujours déchiré par la
Vie.
Avec ton regard moqueur
Elle te berce et t’enseigne
Des vérités, et ton cœur
Saigue!
Pierrot noir
Elle a cueilli la Rose que j’adorais
la femme que j’amoris et elle
l’a donnée au cochon!
L’homme affairé a brisé.
bêtement, le bouton de rose
dont j’espérais l’éclosion!
Le rosier aurait pu refleurir.
mais l’ouvrier inconscient en
a écrasé la racine!
Je viens pleurer mes illusions
perdus… je porte le deuil.
de la Rose!