La Messe des Artistes
La Messe des Artistes qui vont mourir
Par A. WARNOD
Belgique, de Lorraine, de Champagne, les artistes reconnaissaient les leurs parmi les cadavres déchi quetés et pourrissants.
Chaque année, le matin du mercredi des Cendres, une messe est dite pour les artistes qui ne verront pas l’année nouvelle. Assemblée émouvante par sa sincérité, son humilité, sa contrition.
Qui s’en ira Lui ou bien moi? J.-L. Forain, Arquil- lère, D. Bonnaud, Paul Chabas, Sicard, Vincent d’Indy, Henri Ghéon perpétuent fidèlement la tradition que Willette leur a transmise.
Cependant de vieilles dames considèrent encore une messe à Saint-Germain-l’Auxerrois le mercredi des Cendres. Un petit matin comme tant d’autres et qui ne suit pas. une nuit extravagante puisqu’en 1931 les nuits de Carnaval sont semblables à toutes les autres nuits. On ne descend plus en Courtille ce matin-la après le bal de l’Opéra. Eh non!
Quel pittoresque, quelle couleur y laurait gagné la messe des artistes dite dans la vieille église. Cette messe, c’est Willette qui en eut l’idée. On sait combien il fut profondément catholique. Au Père-Lachaise, à la commémoration de Villiers de l’Isle-Adam, il s’avança vers la tombe, fit un grand signe de croix et dit pour la première fois la prière pour le repos de l’âme des artistes qui allaient mourir dans l’année :
Ave Domine, morituri te salutant!
Ceux qui te saluent, Seigneur, avant de mourir sont Ceux que tu as créés, à ton image, pour créer de l’art.
Ceux qui ont médité ton œuvre et rendu hommage à la Beaute!
Ce sont les simples d’esprit dédaigneux de l’or diabolique,
Ce sont les arrivistes qui aspirent à la gloire d’être à ta droite… Ceux-là, Seigneur, te saluent avant de mourir!
Nous les artistes dans l’arène ténébreuse, à la lueur des armes que tu nous a données, devant les multitu des qui n’ont ni yeux ni oreilles mais qui ont une bouche pour nous huer si nous succombons… Police versa! Nous te saluons, Seigneur, avant de mourir!
Atroce prophétie! Cela se passait en juin 1914. Quelques semaines plus tard, dans les charniers de Willette comme un démon montmartrois, peintre de filles nues et de gamines effrontées aimant l’amour sans pudeur ni retenue. Il avait depuis longtemps fait son mea culpa, tres dignement d’ailleurs, disant dans son pénitentiel: Seigneur, vous nous avez donné une compagne si belle!… Serait-ce donc vraiment péché que la reproduire telle? et ne serait-ce pas là, aussi bien qu’en reproduisant le tigre, l’abeille ou la rose, pour nous autres artistes, encore une occasion de vous. rendre hommage, ô vous notre divin Maître ». Quelques années avant qu’il mourut, sa part de Paradis était la seule chose qu’il ambitionnát. Mercredi, jour des Cendres, nous avons relu une lettre qu’il nous adressait pour nous dire dans quel mépris il tenait les honneurs académiques -‘on lui proposait alors: Je vous remercie de votre témoignage d’estime qui me suffit, et je vous demande quand mon heure sonnera d’adresser plutôt votre prière à Dieu pour ma réception en son Paradis, ce qui est, foi d’artiste chrétien, ma seule ambition… Bonne année, ami Warnod.
Willette savait mieux que personne peindre la Vierge Marie et l’Enfant-Jésus. Pour cela, son ame qu’il aimait à peindre comme une aimable marquise, a dû monter au ciel. A. W.
NL:
Door A. WARNOD
Een mis in Saint-Germain-l’Auxerrois op Aswoensdag. Een vroege ochtend zoals zoveel anderen en die niet volgt op een extravagante nacht aangezien carnavalsavonden in 1931 vergelijkbaar waren met alle andere avonden. We gaan die ochtend na het operabal niet meer naar Courtille.
Oh nee! Hoe schilderachtig, wat voor kleur zou de kunstenaars mis in de oude kerk daar hebben gekregen. Deze mis was Willettes idee.
We weten hoe diep katholiek hij was. In Père-Lachaise, ter herdenking van Villiers de l’Isle-Adam, begaf hij zich naar het graf, maakte een groot kruisteken en sprak voor de eerste keer het gebed uit voor de rest van de zielen van de kunstenaars die gingen binnen het jaar overlijden:
Zij die over uw werk hebben gemediteerd en hulde hebben gebracht aan Schoonheid!
Zij zijn de eenvoudigen van geest, minachtend des duivels goud, Dit zijn de toegewijden die streven naar de glorie om aan uw rechterzijde te staan…
Deze, Heer, groeten u voordat ze sterven!
Wij, de artiesten in de donkere arena, in het licht van de wapens die U ons hebt gegeven, voor de menigte die geen ogen of oren heeft, maar die een mond heeft om ons uit te schelden als we bezwijken…
Police versa!
Wij groeten U, Heer, voordat we sterven!
