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Les Hommes du Jour: Portret van Willette door Steinlen en artikel van Steinlen over Willette.

portret van Willette door Steinlen.

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ADOLPHE WILLETTE”

Tout jeune, à un âge où la plupart des artistes cherchent encore leur vole, Willette doué miraculeusement, il faut le dire avait trouvé la sienne c’était sa vie, sa vie de joies et de peines plus de petites que de joies qu’il allait commencer de nous conter et dans quel langage éloquent par la bouche et le geste de son cher Pierrot.

L’éducation de l’École des Beaux-Arts, dont il avait été hon élève, ne lui laissait bientôt plus que juste ce qu’il est bon que tout artiste possède le plus tôt possible: assez de science et de métier pour donner l’assurance nécessaire aux premiers pas; bientôt ce métier allait se transformer, devenir plus souple, plus vivant, langage direct de l’esprit dictant ses ordres à la main, et, quand cet esprit est celui de Willette, c’est-à-dire le charme, In grâce, la poésie, c’est délicieux…

Voilà donc Willette en route ce sont les premiers dessins du Figaro, du journal Le Chat Noir entre temps les premiers envois au Salon, une originale Tentation de Saint Antoine, une inoubliable Madeleine baisant les pieds du Crucifié.

Dès lors, Willette ne s’arrêtera plus. Comment donner même une idée de son inlassable production qui va croissant constamment en force et en beauté. Depuis le gris, mélancolique, pessimiste et presque désespéré Parce Domine (un bout de l’existence de Willette transcrit sur la toile) aux vastes et joyeux panneaux de ‘Hôtel-de-Ville les peintures ensoleillées qui chantent et clament la joie de vivre quel chemin parcouru! et par quelles étapes!…: l’importante série de toiles décorant l’Auberge du Clou les délicieux plafonds du Concert de la Cigale et de l’hôtel de Fernand Xaules panneaux du deuxième Chat-Noir cette Mort impressionnante de grandeur tragique, tête couronnée, lance en main, le torse vide barré de la croix d’argent sur crêpe noir, allant sa chevauchée dans le sang au rythme des petits tambours Français battant pour le roi de Prusse. Ce Moulin de la Galette, emportant dans le tourbillon de ses ailes les Mimis- Pinson de la Butte, aujourd’hui fraiches fleurs, demain loques au ruisseau. Ce magnifique vitrail, unique dans l’art du vitrail moderne, résumé, synthèse de la Vie, de toute la vie, tragique, féroce on douce, s’agitant fiévreuse sous le bâton du grand chef d’orchestre la Mort qui règle la mesure puis les admirables séries de dessins du Courrier Français, de son propre journal Le Pierrot, mille œuvres adorables, les petites pièces, litho- graphiées pour la plupart sans parler des estampes importantes de sujet et de dimensions lettres d’invitation, menus qui s’apparentent exquisement à l’art du xvn siècle, exécutés la plupart du temps pour des amis, pour donner, pour la joie de se donner. C’est un prodigue de lui-même que Willette; personne plus que li ne s’est généreusement dépensé organisation des fêtes de la Muse, bals, Vachalcades où des trésors d’imagination et d’art furent semés, pour la joie de tous, dans la rue… et toujours des œuvres, des dessins, des affiches, des tableaux et c’est toujours Willette qui va se racontant, disant, pour ainsi dire, sa vie devant tous, mettant à nu son âme joyeuse, émue, généreuse, attendrie, révoltée aussi parfois et, alors, cinglant de sa verve indignée ou de sa gamine ironie, la bêtise, l’injustice, la férocité des hommes… et ainsi pendant des années et des années, il va, et jamais de lassitude pas trace d’effort (mais ce n’est là qu’une apparence, ceux qui connaissent son mode de travail savent ce que cache de recherche et d’expérience cette apparente facilité), c’est absolument déconcertant par l’abondance et la variété sa verve ailée, sa fécondité jamais lasse peut toucher à tous les sujets, exprimer tout de la vie et du rêve, sa sensibilité exquise, son ser instinct lui fait trou- ver tout ce qu’il faut et s’exprimer juste comme il faut, sans insistance inutile, sans défaillance plus: Je motif: est-il léger, délicat à exprimer, toujours il est sauvé par une grâce, une émotion charmante, une naïveté délicieuse ainsi Willette peut passer de Pallas-Athéné à Mimi-Pinson, de Bacchus demi-Dieu au Gavroche du fau- bourg sans que se fane un instant la fraicheur d’inspiration et de rendu. Et cette route que l’artiste parcourra en semant, pour notre joie, des fleurs en chemin, il ne faudrait pas croire qu’elle ait été égale et douce; que d’obstacles. que de luttes à soutenir, de déceptions, humiliantes par- fois, toujours imméritées, à supporter! Il a tout sur monté. C’est que si Willette est admirable par son art il l’est aussi par son caractère de cela je puis apporter le témoignage fraternel et l’énergie qu’il lui a fallu pour vaincre tons les obstacles je puis dire où il l’a trouvée c’est dans son art, dans l’amour et la foi en son art et aussi dans son amour de la vie. Willette, en accord en cela avec les grands artistes de tous les temps, est un amoureux fervent de la vie, telle qu’elle est, bonne et mauvaise à la fois pour lui comme pour la plupart des hommes. Il lui demande tout ce qu’elle peut donner de joie, il accepte tout ce qu’elle apporte d’amertume et de rancœurs de notre Terre, il aime tout la ville et les champs, les bois et les mers, les fleurs et les moissons, les bêtes et les hommes la femme; la femme surtout, qui, idéalisée, charmante, fleurit toute son œuvre, comme il l’a aimée ! Ainsi c’est l’amour de son art, l’amour de la vie qui a donné toute force à Willette; mais aussi, cette vie, comme il a su nous la rendre toute, en force, en grâce, en beauté.

Comment, en se rappelant cette œuvre, ne pas se souvenir aussi de l’incompréhension, de la méconnaissance presque universelle qui l’accueillit au début et l’accomраgna longtemps. Comment ne pas regretter qu’un pareil artiste dont les preuves étaient faites, et magnifiquement depuis vingt ans, que tout désignait comme un des plus aptes à couvrir les murailles, officielles ou non, de ses rêves, de ses penser poétiques, profonds ou charmants, arrive aujourd’hui seulement à voir ses dons uniques de décorateurs reconnus et employés ? Sait-on ? il y eut dans cette sorte de délaissement une part de malveillance, de méchantes et fausses légendes se colportèrent. Willette était un fantaisiste, un bohème pourquoi pas un paresseux?… La Justice aux yeux aveugles, aux pieds lents est enfin venue la décoration commandée pour l’Hôtel-de-Ville de Paris en est une preuve une des dernières œuvres exécutées par Willette est aussi une commande artificielle. C’est à l’initiative d’un des hommes à qui l’art doit le plus, grand artiste lui-même, à Gustave Geffroy, qu’il a été donné à Willette de faire ce que je considère jusqu’ici (comment préjuger de l’avenir!) comme le sommet de son œuvre. Ce carton de tapisserie Salut à Paris, qui la couronne et la résume, quel autre que lui le pouvait concevoir et exécuter c’est à la fois très traditionnel et très moderne, très classique et très fantaisiste, très symbolique et très « nature, chatoyant, diapré comme L’aile d’un beau papillon et pourtant plein de pensée, sur- tout, surtout c’est français, uniquement et purement français! Willette sans y songer, sans même le savoir peut- être, renoue exactement la chaine qui relie l’art contemporain à l’adorable tradition la plus française des époques, celle des Watteau, des Fragonard, des Boucher. S’il continue ces maîtres charmants, c’est sans leur ressembler, ou s’il leu leur ressemble, c’est que, comme eux, avec, en plus qu’eux, une humanité, une générosité de cœur qui leur fut toujours étrangère, mais en un langage pareillement délicieux, en se racontant lui-même, il raconte son temps, l’âme de son temps.

Si Willette n’a pas été apprécié, compris comme il eût dû l’être, s’il a en, lui, à se plaindre de la méconnaissance des grands de la terre, nous pouvons le regretter, nous; mais nous, les amateurs pas riches, nous ne nous en plaindrons pas. S’il lui avait été donné trop tôt d’avoir à décorer des palais – eût-il pu dépenser sa verve et son génie sur des feuilles de papier? ces feuilles d’imprimerie que chacun de nous pouvait, pour quelques snus, acquérir, Mimi Pinson pour égayer sa chambrette, l’ouvrier son logis.

Les artistes, tous ceux qui aiment l’art, doivent à Willette une reconnaissance infinie pour toutes les joies qu’il leur a généreusement prodiguées; une reconnaissance infinie aussi pour la leçon et l’exemple qu’il nous donne en dépit des légendes mensongères, Willette nous donne une leçon de travail, il a été un bon, un laborieux ouvrier, ce fantaisiste, ce prétendu pilier de cabaret, ce bohème (en apparence) donne aux hommes les plus graves, Jes plus inertes, donc les plus parfaits, une grande leçon il peut leur montrer, pour sa justification et leur confusion, des œuvres grandes ou petites, jamais insignifiantes, en nombre presque incalculable, qui représentent me somme de labeur qu’on a peine à s’imaginer tant est abondant, ingénieux, divers, le travail de ce fécond esprit. C’est que l’artiste, quand l’artiste est Willette, travaille partout, que tout être, tonte chose lui est matière à pensée et à ré flexion; qu’il se promène dans la rue ou s’arrête, amusé, à la terrasse d’un café, son esprit, lui, ne s’arrête jamais, et que ce qu’un pareil esprit a conçu et élaboré est, bien vite, du bout des doigts dociles aux injonctions du cer- veau, sur la toile ou sur le papier.

On doit glorifier Willette pour tout ce qu’il nous a donné, pour tout ce que la force qui est en lui nous promet encore.

STEINLEN

(En ce moment (da 12 janvier au 15 février) est ouverte au Musée des Arts Décoratifs (Palais du Louvre, Pavillon de Mar san), une exposition très complète, très significative, des œuvres de Willette.

Le texte que nous publions est in partie la plus importante d’une allocution prononcée par Steinlen, camarade de la première heure de l’artiste, an banquet offert l’année dernière à Willette par le groupe de l’Art pour tous.

  1911  /  collectie NK  /  Voor het laatste geüpdate maart 9, 2024 door Redactie  /  Tags: ,