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  • 1904 l'art decoratif hotel de ville

Artikel uit tijdschrift L’Art décoratif van Raymond Escholier: Les Décorations d’A. Willette

(?) Artikel uit tijdschrift van Raymond Escholier: Les Décorations d’A. Willette. à l’Hôtel de Ville de Paris met foto ill’s.: Le Pont Neuf etc.
1904 l'art decoratif hotel de ville

Les Décorations d’A. Willette à l’Hôtel de Ville de Paris

Les Décorations d’A. Willette à l’Hôtel de Ville de Paris

La rue de Paris peinte par Pierrot. Quelle merveille de gaîté et d’observation ! On a été, on est encore injuste pour Willette. Quand, à une séance de la Commission des Beaux-Arts, M. Quentin-Bauchart s’honora, en proposant de confier au grand artiste une décoration à l’Hôtel de Ville, il y eut quelques protestations dans le clan académique : Confier une décoration à un illustrateur ! Vous n’y pensez pas ! »

Illustrateur ! le mol était bien prompt. Les protestataires oubliaient le Parce Domine. ce chef-d’œuvre décoratif d’une inspiration si française, dont la place (le plus tard possible, espérons-le) est au Louvre, dans le très proche voisinage de l’Embarquement pour Cythière et de P Assemblée dans un parc.

Au reste, comment ne pas reconnaître que tout Pieuvre de Willette témoigne d’un large sentiment décoratif? Sans parler même de ses panneaux de la Taverne de Paris, de Tabarin, de la Cigale, sans évoquer l’illustre vitrail du Chai noir, il serait trop aisé de démontrer qu’il n’est pas, dans les plus petits croquis de notre cher Pierrot parisien, une silhouette, une altitude qui ne soit d’essence décorative.

La vérité, c’est que Willette (cl aujourd’hui la preuve est faite) est infiniment plus décorateur que la plupart des académiciens dont les pesantes productions encombrent aujourd’hui notre Maison commune.

Une salle entière a été confiée à Willette : celle de la Commission du personnel, dont les portes vitrées donnent sur celle gracieuse cour Louis XIV qu’orne le Gloria victis cl où la municipalité reçoit les souverains. C’est dire que les panneaux de l’artiste sont vraiment à la place d’honneur.

Voilà qui explique bien des protestations.

Pour réjouir les regards de nos hôtes, Willette a eu une de ces inspirations naïves et charmantes, telles qu’en avaient nos bons imagiers du XVe siècle. En une synthèse, d’une admirable sûreté de composition, il a peint la Rue de Paris.

Avec son adorable enthousiasme, le bon peintre, tout couvert de cadmium et de vert émeraude, nous le disait un jour :

« Je veux forcer le peuple de Paris à se regarder. Déjà le cinématographe, pourtant si incomplet, a fait quelque chose dans ce sens. En voyant la foule s’agiter, palpiter, vivre, les Parisiens ont pu se dire : « Tiens, mais c’est amusant, la Rue! »

II la connaît, Willette, la rue de Paris. Personne ne la connaît comme lui. Depuis trente ans, il l’aime, en amoureux passionné. Il a déserté, pour elle, bien des choses, cl elle l’a consolé de bien des tristesses.

Pour un Parisien, à qui sa ville est chère, il n’est point de plus douce volupté que de flâner dans la rue, avec Willette. Quel grand enfant, ce grand artiste! S’arrêtant à tous les éventaires de fleuristes, dévisageant le petit pâtissier cl le petit trottin, s’émerveillant devant les toilettes des mondaines, s’amusant comme un gosse du soldat et de la nounou, •< des chiens, chats et autres seigneurs sans importance, bons pour la fourrière », observant les jeux de lumière du ciel pâli, et frissonnant au parfum des feuilles nouvelles.

Tandis que, juché sur un immense échafaudage, Pierrot achève de brosser ses vastes compositions, pénétrons dans celle foule aimable et laborieuse. Au loin, au loin,

« la Sainte Chapelle aux ors étincelants (le vieux Paris) cl le tribunal de Commerce : des maisons en construction cl des palissades recouvertes de publicités aux couleurs (/(des cl éclatantes plus près de nous, un manège de chevaux de bois, aux toiles illustrées comme ne le furent jamais celles d’aucun manège. Joie et travail !

On admirera la porteuse de pain, belle et saine Gauloise au\ cheveux de blé, d’un coloris si juste; « le pierrot des rues, l’inévitable pâtissier»; l’égoutier, si légèrement croqué, l’égoutier qui « a entendu la fête cl qui remonte au jour »; le gazier, « qui nettoie la lanterne du réverbère », cependant que le représentant de la préfecture, l’officier de paix, chamarré d’argent, maintient un ordre facile ». Chez le bistro jaunâtre — un mauvais bougre, dit l’artiste, —des forts de la halle trinquent, et l’un de ces colosses réjouis, au jersey rayé et au chapeau géant, est une merveille de réalisme en même temps que de fantaisie. Bicorne, serviette sous le bras, habit bleu aux boutons de cuivre, un garçon de caisse se haie. Mais nous connaissons ces traits, ce nez court, ces pattes grises sur les joues, cet œil inquiet et timide. Ce garçon de caisse, c’est Willette. « Oui, c’est ma signature, laisse tomber sentencieusement, de son échelle, le pupille de la «Vache enragée ». J’ai tellement couru après la galette. El, quand j’en ai louché, ça n’a jamais été pour mon compte ! »

Mais, à côté des moineaux qui picorent, voici un groupe charmant. La blanche communiante et la fillette qui revient de l’école.

L’autre panneau de la rue, celui où se déchaîné l’encombrement, nous apparaît comme encore supérieur, tant dans l’ensemble que dans le détail. Des quatre panneaux à décorer, c’était évidemment le plus difficile à composer. Le nécessaire tour de force a été pourtant réalisé et il se trouve que, précisément, des quatre panneaux, c’est celui-là qui est le plus solidement établi. Voiture de laitier, omnibus, auto, embarras, tumulte, gaîté. Dans un fiacre, une jeune femme d’allure tapageuse, et si jolie : « la demi- mondaine, nous conte ce pince-sans-rire de Willette, la demi-mondaine qui s’oublie pour la première fois à partager la joie des autres; » Plus loin, dans une voilure d’ambulance, a la portière, la vitre un instant abaissée, on aperçoit l’infirmière au coquet et inamovible bonnet jeter un coup d’œil furtif.

« Sur un balcon fleuri, de gracieuses modistes sont accourues pour acclamer et rire. Les voyageurs de l’omnibus arrêté échangent avec elles des sourires et des fleurs. » Des fleurs, la plus charmante des bouquetières en traîne, en dépit de l’encombrement, une pleine voiture. Le tout petit commerce, en face du gros commerce, représenté par la boucherie somptueuse et par le boucher cossu. Quels beaux moutons enrubannés et piquetés de guirlandes en papier pendent à la devanture de la boutique, décorée de marbre et de bronze !

Non loin, deux braves pompiers vérifient le bon fonctionnement de la bouche d’incendie, mais ils ont oublié de crier gare! et quelques mollets, élégants cl fripons, comme sait nous les révéler Willette, sont trempés… Tumulte et harmonie, papillotement, Heurs, lumières, poussière, esprit, toute la foule parisienne palpite, d’une vie intense, sur la toile à peine frottée d’ocre, do cobalt cl de laque.

Elle revit encore, celle foule de Paris, dans le panneau de gauche, celui des Champs-Élysées.  Seulement, c’est le public puéril de la voilure aux chèvres cl de Guignol. Bien composé également, ce panneau. D’un côté, un groupe de Chevaux de Marly, de l’autre le déjeuner du vernissage, une fort jolie mondaine qui joue la comédie de l’amour. Au milieu, les jardins, les jeux des petites filles, — l’une qui saule à la corde est une Heur de chair merveilleuse. Dans le lointain passe un vieux satyre: Joseph Prudhomme. « Du fond d’une gloire enflammée », à l’horizon, l’Arc de triomphe ! Mais Willette ne s’est pas contenté de synthétiser la rue et les jardins. Il a tenu à évoquer le fleuve noble et tranquille, la Seine, aux belles rives, richesse et orgueil de Paris. C’est une des arches du vieux Pont-Neuf. Henri IV est descendu de son cheval. A défaut de poule-au-pot, il lient le coq gaulois. En guirlande, le long des mascarons, des gosses comiques et charmants symbolisent les Quat-z-Arts. La critique d’art même n’est pas oubliée. En bas, dans l’eau verte, où rougeoie le soleil couchant et où des remorqueurs trainent des péniches, des amours délicieux, aux chairs nacrées, s’ébattent.

Parisiens, cette salle est a vous. Allez lavoir! L’œuvre de Willette vaut mieux que toutes les dissertations. Et comme nous entendons vous laisser quelque surprise, nous ne voulons point vous vanter la plus enfantine, la plus délicieuse des bordures, que surmonte heureusement l’image de la Madone : la ville de Paris, émergeant de l’onde, cravatée de la Légion d’honneur, et présentant au peuple son « divin fils »       : l’Amour !

RAYMOND ESGHOLIER

  1904  /  collectie NK  /  Voor het laatste geüpdate mei 3, 2021 door Redactie  /  Tags: , ,